[Journée nationale consacrée aux troubles du comportement alimentaire]

« Le 02 juin 2021, ce sera la première journée nationale consacrée aux troubles du comportement alimentaire (TCA), organisée par la Fédération Française Anorexie Boulimie (FFAB).

Il était temps que ces maladies soient mises en lumière.

En effet, l’anorexie mentale, la boulimie, l’hyperphagie boulimique et les autres troubles du comportement alimentaire concernent près d’un million de personnes en France, dont une majorité de femmes.

Plus de la moitié des personnes concernées ne sont pas dépistées et ne bénéficient pas de soins : soit par méconnaissance de ces maladies par les professionnels de santé, soit parce qu’il est très difficile d’en parler, soit parce que ces personnes ont honte et culpabilisent, soit parce qu’elles n’ont pas conscience d’être malades (les fameux « y’a qu’à », « c’est dans la tête »), soit parce que ça ne se voit pas toujours qu’on a un TCA, soit parce que … les causes de cette absence de prise en charge sont nombreuses, tout comme les idées reçues.

Mais il est nécessaire que cela change, car ces maladies sont source d’une souffrance terrible et peuvent entraîner des complications graves, voire entraîner la mort.

Pendant 5 ans, j’ai accompagné des personnes souffrant de troubles du comportement alimentaire, en tant que médecin généraliste, au sein d’une clinique spécialisée près de Dijon. Bien que je sois partie de cet établissement, mon engagement dans la lutte contre les troubles du comportement alimentaire continue, plus activement que jamais !

Je suis arrivée par hasard dans ce domaine, auquel je n’étais pas vraiment prédestinée, d’autant plus que l’anorexie mentale est une maladie que je ne comprenais pas vraiment et qui peut faire peur. Petit à petit, je me suis prise de passion pour ce monde, ce qui demande quand même de se présenter au travail avec les tripes à l’air. Ca remue. Les TCA, ce n’est pas du théâtre, ce n’est pas du cinéma, ce n’est pas une question de simple volonté et pour aider ces personnes, il faut y aller avec le cœur. S’engager. Ne pas renoncer. Croire en la guérison car oui, c’est possible de se sortir de ces foutues maladies.

Quasi l’intégralité de mes patients a subi des traumatismes par le passé, dont ils n’ont souvent pas pu parler et/ou continuent à vivre un quotidien pénible. Certains d’entre eux n’arrivent pas à gérer des passages de leur vie. Il y a souvent plusieurs raisons qui conduisent à développer des TCA. Ces troubles sont alors une façon d’exprimer ce qui ne va pas, de faire face, de ne pas sombrer. Mais à quel prix ? Avoir un TCA, c’est parfois flirter avec la mort, pour ne pas oublier qu’on est vivant.

Cela peut toucher tout le monde, de près ou de loin : 1% des femmes présentent une anorexie mentale, 1.5% une boulimie et 3 % une hyperphagie boulimique. Ca fait beaucoup, beaucoup trop. Vous avez sûrement quelqu’un dans votre entourage, peut-être vous-même, qui a un trouble du comportement alimentaire.

 Si vous avez un doute, si vous vous savez malade et que vous souhaitez de l’aide (et je ne peux que vous inviter à demander de l’aide ! On ne peut pas se sortir seul d’un TCA),  n’hésitez pas à vous rendre sur le site internet : https://www.journeemondialetca.fr ou à appeler la ligne téléphonique « Anorexie Boulimie Info écoute » au 0810037037. Bien sûr, je ne peux qu’aussi conseiller de consulter un médecin, un(e) psychologue, un(e) diététicienne….les professionnels de santé qui peuvent prendre en charge les TCA sont nombreux !

Si vous pensez qu’un de vos proches en souffre…je sais que ce n’est pas simple d’aborder le sujet, mais peut-être que cette personne en sera soulagée.

Je pourrais parler pendant des heures des TCA et de mes courageux patients. Mais je vais laisser maintenant la place à Mme Anne Roblot, amie et ancienne collègue, diététicienne à Dijon, avec qui je partage cette énergie pour faire bouger les lignes.

« Lorsque j’étais étudiante, j’ai le souvenir d’un échange avec l’un de mes professeurs qui m’avait dit : « la diététicienne n’est pas nécessaire pour les patients souffrant de TCA, c’est une pathologie psy »…c’est un fait, mais voilà pourtant plus de 10 ans que je prends en charge au quotidien des patients souffrant de TCA et je n’ai aucun doute sur la nécessité d’une prise en charge diététique dans ce domaine. Les patientes ont par exemple besoin d’apprendre ou réapprendre à manger, de connaître leurs besoins pour prendre ou stabiliser leur poids. Je les aide également à faire la différence entre les pensées de la maladie (pensées toxiques) ou leurs vraies pensées. Je peux leur proposer un travail sensoriel autour de la dégustation, par exemple, dans le but de retrouver le plaisir de manger. Les patientes ont un grand besoin d’être rassurées et encouragées pour réussir à se confronter à cette réelle pathologie. C’est une pathologie dont on ne parle pas assez et de nombreuses patientes sont souvent soulagées de rencontrer des professionnels formés. Je reçois régulièrement des personnes en souffrance depuis plusieurs années qui ne savent pas qu’elles souffrent d’une réelle maladie. La différence entre anorexie et boulimie est souvent très floue. La honte est souvent tellement présente que la souffrance reste secrète. Il est important de ne pas oublier que les TCA se soignent et qu’il existe des lieux de soins adaptés. Les soins sont longs et souvent difficiles mais les évolutions positives existent ! PS : l’utilisation du féminin est lié à la majorité de ma patientèle mais les TCA chez les hommes existent bien »

Le meilleur moyen pour que ça bouge, c’est de COMMUNIQUER. Pour ça, on like, on partage ! »

Dr Laetitia Legendre, médecin généraliste